Une scandaleuse affaire : entre Mwigni M’kou et Abdallah III en 1871

Said Bakar rapporte ceci dans sa fameuse chronique de Ngazidja
« Sultan Abdallah resta [à Ngazidja après la guerre de 1871 contre Msafumu] pour réclamer le paiement de ses frais. Il nous fit cotiser pour sept mille pilastres, et il prétendait qu’il en restait encore sept mille dont il attendait le paiement. Sultan Ahmed se plaignit auprès des Français de ce que Sultan Abdallah voulait nous ruiner. »
Qu’est-ce qui s’est passé entre les deux sultans au point que le commandant du d’Assas Ducurron-Langougine menaçait de bombarder Mutsamudu si le Sultan Abdallah III ne rendit pas l’argent à Mwigni M’kou ? Nous dit Jean Martin (tome 1, page 382).
Said Ahmed Zaki nous donne quelques explications sur cette affaire, dans sa chronique d’Anjouan de 1927 :
« Abdallah retourne à Anjouan après avoir mis l’ordre complet dans le royaume d’Itsandra. L’année suivante [1872], sur la plainte de Said Omar, gendre d’Ahmed, un navire de guerre français vint exiger le remboursement de l’indemnité qu’Abdallah avait reçu d’Ahmed pour le rendre à ce dernier.
Dans sa plainte, Said Omar disait qu’Abdallah n’avait pas droit à cette indemnité vue que c’était par l’effet produit par le navire français que le belligérant Msafumu avait consenti à conclure l’arrangement. Aussi le commandant du navire de guerre français supposant qu’Abdallah allait se servir du nom de son gouvernement, avait donné un délai de 24 heures au sultan pour rembourser l’indemnité réclamée, à l’expiration duquel et en cas de non paiement, le navire de guerre aurait lancé des obus sur Mutsamudu.
M. Wilson, un médecin civil américain qui venait d’arriver dans l’île, s’était installé à Mutsamudu, où il vendait quelques objets de peu de valeur d’origine Mozambique. Il profita de cette occasion pour acquérir les bonnes grâces du sultan, car, par son intervention, le commandant avait consenti à prolonger le délai fixé, ce qui permit à Abdallah de réaliser la somme demandée (2500 Rs). Abdallah obtint cette somme de M.Sunley de Pomoni sur la redevance que ce dernier devait pour la prorogation du bail de Pomoni qu’Abdallah lui avait consenti quelque temps auparavant.
Quand le commandant du bateau de guerre alla porter cet argent au sultan Ahmed de la Grande Comore, ce dernier fut indigné d’apprendre toutes les réclamations faites pour obtenir cet argent. Le commandant retourna à Anjouan faire des excuses à Abdallah et lui remit la somme. ». (Anjouan dans l’histoire, Études Océan Indien, Inalco, pages 44-45, 2000).
Jean Martin et Said Bakar, chacun écrit de son côté que la somme fit restituer à sultan Ahmed Mwigni M’kou.
Il est bon de rappeler que s’il y a un clan parmi les quatre (Al Madouwa-Chirazi, Ahdaly, Al Masely, Aboubakar Ben Salim) qui composent la famille royale d’Anjouan dont le Sultan Ahmed Mwigni M’kou de Ngazidja se sent plus proche, bien évidemment après le clan Aboubakar Ben Salim, c’est bien le clan Al Madouwa.
Mwigni M’kou qui avait épousé une princesse Al-Madouwa à Mutsamudu du vivant de son père Said Ali Cheikh Ngome, Amina binti sultan Allaoui Ier Aly Madouwa, a toujours bénéficié l’appui militaire de sa belle famille (sultan Abdallah II, Sultan Salim II un peu moins et sultan Abdallah III) pour s’imposer contre les princes de l’Inya Fwambaya Ngazidja : sultan Fe Fumu, sultan Fumbavu et sultan Msafumu.
________
Images : Sultan Ahmed Mwigni M’kou de Ngazidja (1793-1875) et Sultan Mawana Abdallah III d’Anjouan (1837-1891).
Crédit photo de sultan Ahmed Mwigni M’kou : Magasin français Pittoresque publié en 1855.
Sources :
-chronique de Ngazidja de Said Bakar wa Mwigni M’kou;
-Jean Martin, Comores quatre îles entre pirates et planteurs, page 392, tome 1, l’harmattan, 1983;
-Chronique d’Anjouan de Said Ahmed Zaki.

Articles similaires

Said Bakar Mougné M’kou Sultan Said Othman ibn Sultan Salim II Il est parfois présenté comme un noble allié au peuple, sûrement en raison du fait qu’il fut porté au pouvoir par un mouvement de masse populaire. Il fut désormais reconnu comme unique sultan d’Anjouan en en mars 1891 suite à des querelles avec son neveu Salim III ibn Mawana Abdallah III, et il décréta

Un ouvrage sur la médina de Mutsamudu : Malik, enfant de la médina…

Un récit qui vous ouvre les portes de la médina de Mutsamudu, en compagnie d’un de ses enfants Malik.
Un ouvrage dédié « à tous les enfants et petits enfants qui ont comme origine cette médina de Mutsamudu, mais qui n’ont malheureusement pas eu la chance de la connaître autrement que par ce qu’ont pu leur communiquer leurs parents et les échos lointains qui sont arrivés à leurs oreilles sans qu’ils aient pu en connaître les parfums, ni la chaleur de son étreinte ni son incommensurable amour pour les siens ».

Quelques passages du début :

Mutsamudu : « Chaude et possessive comme une mère qui vous tient par le bras de ses ruelles étroites et ne veut plus vous lâcher. Chaque ruelle vous conduisait vers un adulte, un oncle, une connaissance et vous donnait l’impression que la solitude ne pouvait exister ». P9

« Mais ce que Malik préférait pardessus tout, c’était Mutsamudu de la nuit. D’abord au crépuscule quand les narines étaient visitées par des fumées qui sortaient de tous les foyers de bois et promenaient des senteurs suaves, douces ou épicées à travers les ruelles. Ici, c’était le fumet d’un mataba 8 qui exhalait son coco envoûtant, là le chant des oignons au curcuma, cumin et autres épices et là-bas le « rôti anjouanais » 9 qui finissait de vous liquéfier ».

« Et puis venait la nuit comme un voile mystérieux embaumé de corolles de jasmin, de fleurs et de plantes à parfums : c’était la sortie des belles de nuit, les Mutsamudiennes qui, après avoir passé la journée dans leur maison à s’occuper de tout, se libéraient pour prendre l’air, dans un froufrou de Shiromanis 10 et de joyeux babillements ». P12-13

« Par une petite fenêtre dans le mur, derrière le balcon, le célèbre M Tom Tom, le projectionniste lançait une gerbe de lumière qui s’aplatissait sur un écran peint sur le mur opposé pour créer la magie des images parlantes. Du plafond, tombaient quelques lampes nues autour desquelles voletait une nuée d’insectes.

Malik avait le regard et l’esprit suspendus à ces lampes car longtemps il s’était imaginé que c’étaient les insectes tournoyant autour des ampoules qui les éteignaient et marquaient ainsi le début du film. D’ailleurs, avant de s’éteindre définitivement, elles se mettaient à clignoter comme pour donner un signal.

Les films les plus prisés étaient les Tarzan, les Eddy Constantine, les Westerns, tous les films d’action et de bagarres que la basse-cour suivait à grands cris de « Inwa, inwa » 6 « Allez-allez »
Souvent, les spectateurs essayaient d’aider l’acteur principal en l’interpellant à haute voix et l’exhortant à regarder par derrière ou sur le côté où étaient tapis ses ennemis. » P22

Des lieux inoubliables, des personnages pittoresques, des croyances, des traditions des anecdotes, une atmosphère, des parfums… pour permettre à chaque parent d’évoquer avec ses enfants et petits enfants le souvenir d’un lieu extraordinaire et merveilleux et qui pourraient peut être les aider à renouer les liens avec le pays. Car on sait que « l’origine d’un homme, ce sont ces racines enfouies au profond de son être et qui en font sa solidité et son rayonnement. »

Vous pouvez vous procurer cet ouvrage
en le commandant sur EBAY https://www.ebay.fr
sur le site de l’éditeur http://www.editionsthierrysajat.com ou à l’adresse mail thierrysajat.editeur@orange.fr (coût de l’ouvrage 15 euros+ 4 euros frais d’envoi)
Vous pouvez également me joindre pour toute question sur mon messenger Kamaroudine ABDALLAH PAUNE ou par mail au kapaune1@gmail.com
Avec mes remerciements cordiaux.

Sultan Alawi II ibn Sultan Abdallah II ibn Sltan Alawi 1er d’Anjouan – dit Alawi Mtiti

Qatar National Library Digital Repository NOTA BENE : La photo portrait est bien celle du Sultan Alawi II dit Alawi Mtiti mais, le texte résume des péripéties d’un de ses fils, Abdullah. Portrait en studio d‘Abdullah Bin Alawi, également connu sous le nom de Prince Abudin, fils d‘un Sultan déchu de l‘île de Nzwani, dans l‘archipel des Comores, qui avait une fois représenté son père en

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Contenu protégé !